02/07/2025

Lier les domaines: droits humains et lutte anticorruption

Selon Transparency International, sur les 8 500 milliards de dollars dépensés chaque année dans le monde pour les services de santé, environ 7 % sont perdus en raison de la fraude et de la corruption. Cela équivaut à 560 milliards de dollars détournés annuellement, compromettant l’accès aux soins et le droit fondamental à la santé. Ce montant dépasse largement le déficit annuel estimé à 370 milliards de dollars, nécessaire pour atteindre une couverture sanitaire universelle d’ici 2030.

La corruption alimente la méfiance envers les institutions, aggrave les inégalités et favorise les violations des droits humains. Dans ce contexte, les mécanismes internationaux de protection des droits, comme l’Examen Périodique Universel (EPU), jouent un rôle essentiel dans la lutte anticorruption. Selon une analyse de Betina Pasteknik, Cheffe d'Opérations auprès de l'UNCAC Coalition, depuis la création de l’EPU, le terme corruption n’a été mentionné que 700 fois dans les recommandations — ce qui représente à peine 0,6 % du nombre total de recommandations. Toutefois, un certain nombre de ces recommandations reste vague, rendant leur suivi et leur mise en œuvre difficile.

effects of corruption on health
Guide anti-corruption and UPR

Pour y remédier, la UNCAC Coalition et UPR Info ont élaboré un guide "Bridging anti corruption and human rights efforts" à destination des membres de la société civile engagés contre la corruption afin de faciliter leur participation au processus de l’EPU. Le guide souligne que l’Examen périodique universel (EPU) offre plusieurs points d’entrée permettant à la société civile de s’engager de manière efficace, en l’utilisant comme un outil pour soutenir le plaidoyer national et tenir les États responsables de leurs engagements dans la lutte contre la corruption — notamment par la soumission de rapports, la proposition de recommandations pertinentes et orientées vers l’action, ainsi que le suivi de leur mise en œuvre.

« Leur proximité avec les communautés concernées leur permet de faire remonter des problématiques négligées et de plaider en faveur de réformes concrètes. En s’engageant dans l’EPU, les organisations de lutte contre la corruption disposent d’une nouvelle plateforme pour influencer les agendas nationaux et internationaux », a déclaré Nicoletta Zappile, directrice adjointe de UPR Info.

Ce guide a été lancé lors de l’événement parallèle Connecting the Dots: Human Rights and Anti-Corruption in Practice, organisé le 19 juin 2025 en collaboration avec le groupe d’États sponsor de la résolution sur l’impact négatif de la corruption sur les droits humains, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Transparency International et la UNCAC Coalition. L’événement a mis en lumière les synergies entre la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) et l’EPU, en fournissant des outils concrets et en partageant des expériences visant à rapprocher lutte anticorruption et défense des droits. 

 

S.E. Omar Zniber, Ambassadeur et Représentant permanent du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, a déclaré : « Des politiques efficaces de prévention et de lutte contre la corruption sont essentielles pour atteindre les Objectifs de développement durable d’ici 2030 », ajoutant que « les États ont la responsabilité première de prévenir et de remédier aux violations des droits de l’homme résultant de la corruption. »

Une résolution portée par le Maroc au nom d’un groupe d’États comprenant notamment l’Argentine, l’Autriche, le Brésil, l’Éthiopie, l’Indonésie, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Équateur sera examinée lors de la 59e session du Conseil des droits de l’homme (CDH). Cette initiative vise à clarifier les obligations procédurales et substantielles des États, en s’appuyant sur les travaux du Conseil et de son comité consultatif.

 

Parmi les bonnes pratiques présentées, le HCDH a cité son partenariat en Irak avec la Commission nationale d’intégrité, qui sensibilise les acteurs publics et la société civile aux liens entre corruption et droits humains. Il organise également des ateliers régionaux pour renforcer l’usage des mécanismes onusiens dans la lutte anticorruption. L’un de ces ateliers s’est récemment tenu à Banjul, en Gambie, en partenariat avec l’INDH, réunissant des représentants d’institutions africaines de droits humains, d’organes anticorruption, de la société civile régionale et de la Commission africaine des droits de l’homme, afin de renforcer la coopération intersectorielle.

Le Maroc a souligné les avancées intégrées à sa stratégie nationale, notamment à travers la Constitution de 2011, qui prévoit des lois contre les conflits d’intérêts, le délit d’initié et les infractions financières, ainsi que la création de l’Autorité Nationale pour l’Intégrité, la Prévention et la Lutte contre la Corruption. L’Équateur, de son côté, a présenté son plan national 2024–2028, mettant l’accent sur la transparence des marchés publics, l’éthique dans la fonction publique, la participation citoyenne, et la protection de l’espace civique, des lanceurs d’alerte et des défenseurs des droits humains.

 

Le Mécanisme d’examen de la mise en œuvre (IRM) est le processus officiel d’évaluation par les pairs établi dans le cadre de la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), seul instrument mondial juridiquement contraignant en matière de lutte anticorruption. Il permet d’évaluer l’application de la Convention, d’identifier les lacunes, de partager les bonnes pratiques et d’accéder à une assistance technique. Chaque État est examiné par deux pays, avec le soutien de Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Si le Mécanisme d’Examen de la mise en œuvre de la CNUCC (IRM) est un outil fondamental, il présente des limites en matière de transparence, de participation de la société civile et de redevabilité. 

L’EPU ne s’y substitue pas, mais le complète et le renforce. Comme l’a souligné Betina Pasteknik, en s’engageant dans les deux processus, les organisations de la société civile peuvent faire avancer des réformes plus profondes et un système de gouvernance plus équitable. Elle a encouragé l’utilisation de l’EPU comme levier stratégique, notamment grâce au guide développé avec UPR Info, en insistant sur l’importance de recommandations SMART (spécifiques, mesurables, atteignables, pertinentes et temporelles) pour garantir un suivi efficace.