14/01/2025

Réformer les politiques sur les drogues et la santé en Côte d'Ivoire

Le parcours d'Aya Prisila N'Guessan dans le domaine de la défense des droits humains a commencé par un engagement à soutenir certains des groupes les plus marginalisés de Côte d'Ivoire. En tant que responsable juridique et de plaidoyer pour Espace Confiance, Aya a consacré ses efforts à la défense des droits des toxicomanes, des travailleurs du sexe et d'autres populations clés souvent exclues des soins de santé et des protections sociales.

 

Fondée en 2004, Espace Confiance s'est d'abord concentrée sur la sensibilisation et la prise en charge des populations clés dans le contexte de l'épidémie de VIH en Côte d'Ivoire. Cependant, la mission de l'organisation s'est élargie en 2015 pour intégrer le plaidoyer comme pilier central de son travail. Ce changement a permis à Espace Confiance de s'attaquer aux injustices systémiques auxquelles sont confrontées ces communautés, en particulier la criminalisation et la discrimination.

Aya from Cote'd Ivoire NGO

Une étape importante dans la réforme de la politique des drogues

Pendant des décennies, l'approche de la Côte d'Ivoire en matière de consommation de drogues a été ancrée dans des lois punitives. La loi sur les drogues de 1988 (loi n° 88-686) imposait des peines d'emprisonnement pour le simple usage de drogues, criminalisant la dépendance et éloignant les usagers des services de santé essentiels. Cette situation a changé en 2022 avec l'adoption d'une loi progressiste, la loi n° 2022-407, qui a redéfini l'usage de drogues comme une question de santé publique plutôt que comme une infraction pénale.

La nouvelle loi a introduit les injonctions thérapeutiques comme alternative à l'emprisonnement, s'alignant ainsi sur la recommandation 140.101 de l'Examen périodique universel (EPU) faite par la Suisse, qui demandait un plan d'action national pour les alternatives à l'incarcération

Le rôle de l'Espace Confiance dans le plaidoyer

Espace Confiance en collaboration avec toutes les autres parties prenantes aussi bien issue de la communauté que des instances étatiques ont joué un rôle déterminant dans cette avancée législative. Leurs efforts de plaidoyer ont notamment porté sur les points suivants

  • Engagement à haut niveau : Organiser des séances d'information avec le Conseil national de sécurité et obtenir le soutien de son président dans le processus.

  • Ateliers et formation : Sensibilisation des parlementaires aux réformes proposées et à l'intégration d'une approche fondée sur les droits de l'homme dans les politiques de lutte contre la drogue.

  • Défense des intérêts de la communauté : Donner à un groupe de personnes usagères de drogues (PUD) et d'anciens PUD les moyens de faire entendre leur voix par le biais de campagnes de sensibilisation et de sessions de formation.

Ces efforts ont non seulement influencé les changements de politique, mais ont également commencé à modifier les pratiques dans l'application de la loi, notamment, une diminution dans l’incarcération systématiques des personnes usagères. 

Maximiser l'impact de l'EPU

Aya attribue une grande partie de ces progrès à l'engagement stratégique d'Espace Confiance dans le processus de l'EPU.

"L'implication dans l'EPU nous a permis de structurer notre stratégie de plaidoyer sur la base des instruments internationaux et en rappelant les engagements de la Côte d'Ivoire vis-à-vis de ces instruments." 

 

Grâce au programme de formations du Cod‘Action Plaidoyer International (CAPI), organisé par l’ONG Codap, y inclus le support technique d’UPR Info en 2018 et 2024 , Aya et ses collègues ont élaboré le rapport alternatif à soumettre au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies avant le quatrième examen de la Côte d'Ivoire dans le cadre de l'EPU.

Leçons retenues

additional photo provided

En réfléchissant à son travail, Aya souligne l'importance de l'unité entre les organisations de la société civile (OSC). "Les OSC d'un même pays doivent toujours travailler en synergie pour assurer un plaidoyer plus fort", conseille-t-elle. Elle souligne également la nécessité de persévérer et d'adopter une approche centrée sur la communauté pour relever les défis en matière de droits humains.

Lorsqu'on lui a demandé quels enseignements elle avait tiré de leur récente participation à l'EPU de la Côte d'Ivoire, Aya a répondu : "Il est essentiel d'avoir un résumé clair des recommandations et une note de plaidoyer bien rédigée pour un dialogue constructif." 

Elle souligne l'importance du plaidoyer bilatéral, déclarant : "Une approche directe et individuelle avec les bureaux diplomatiques est essentielle pour s'assurer que les recommandations soient prises en compte."

Bien que la loi de 2002, portant lutte contre le trafic et l’usage illicites des stupéfiants, des substances psychotropes et leurs précurseurs en Côte d’Ivoire soit une réalisation importante, Aya reconnaît la nécessité d'aller plus loin. Cependant, la loi nécessite des directives de mise en œuvre claires et des services de réduction des risques élargis. Aya et ses collègues restent déterminées à faire en sorte que ces prochaines étapes deviennent une réalité.

L’EPU pour Aya : 

"C’est un espace des possibilités universelles pour la voix des sans voix." 

 

Dans son travail, elle illustre cette vision, transformant le plaidoyer en changement tangible pour les populations les plus vulnérables de Côte d'Ivoire.